• Ecriture sur l'écrit

    Ecriture sur l'écrit

                                                              © Clo Hamelin
    Toujours debout à l'aube. J’avais ouvert les yeux sur le jour se levant, avec l’idée qu’à présent l’écriture serait mon chemin.
    Tant de désirs de créations, un seul à présent semblait à nouveau avoir la primeur.
    Le dessin m’enchantait, après une esquisse terminée, je rayonnais intérieurement.
    La photo me passionnait, aux promenades dans les lieux insolites que je figeais dans la nuit de la salle de bain transformée en labo.
    Où seul le halo rouge de la lampe guidait mes gestes dans l’obscurité de la cuve.
    Et en sortir comme par magie un cliché noir et blanc, aux contrastes de l’existence.
    Quant à la musique, une fée il y a longtemps s’était penchée sur mon berceau et m’avait dotée de cordes vocales à l’oreille musicale ;
    j’en jouais avec bonheur et chaque note était une compagne sur laquelle je m’envolais.
    C’est là que je m’épanouissais le plus physiquement.
    Et chacun autour de moi, les amis, me conseillant de plus en plus souvent de persévérer dans le chant.
    J'ai fait naguère la comédienne, assez souvent dans mes débuts, mais la mémoire m'a fait défaut après un gros chaos de voie public et de carlingue enfoncée, je décidais d'abandonner une scène sans en être peinée.
    Trop de choses à ailer, à choyer, sur lesquelles s'attarder.
    L’écriture était un monde à part.
    Secrète, faite d’une solitude qui fait que l’on s’y enfonce, d’une impalpable jouissance et d’une peur de s’y confronter.
    L’écriture était indocile mais sitôt qu’on l’apprivoisait et qu’on lui laissait vivre sa vie, c’était un orgasme des mots en entraînant d'autres, s'épanouissant dans leur sens respectif.
    D'autre fois plus rien.
    Une espèce de vide où l’on se sent incapable, où l’on se dit que l’on a passé un bon moment à délirer mais qu’il est impossible que ces quelques lignes tiennent la route.
    On n’a plus d’idées.
    La source est tarie.
    Les mots ont décidé de se taire.
    La feuille blanche est là, ou plutôt l’écran lumineux aux paramètres techniques et à la froideur toute informatique.
    L’abîme en est tout autant vertigineux.
    Le précédent écrit de cent soixante page était terminé après dix ans de chantier.
    Un chantier laborieux, bourbeux, cahotique, contradictoire et schizophrénique.
    Puis j’avais taillé dans la viande à grand coup de couper, couper-coller, gardant certains passage dans un fichier-reliquaire.
    Ces paragraphes donnant lieu plutôt à d’autres histoires, bien spécifiques.
    Mais j’avais pu considérer, enfin, le mot "Fin" comme définitif.
    Enveloppé dans du papier craft, le manuscrit pouvait désormais aller rejoindre les piles d’écrits
    dans les greniers secrets et érudits des éditeurs.
    Faire la queue dans leurs préférences.
    Attendre d’être rejeté ou lu, en partie, pour sans doute se faire rappeler à l'ordre, et ne pas correspondre à la collection.
    Ou bien, si la bonne fée des Lettres s'est entichée de l'Histoire se voir peut-être choisi parmi les préférés pour s’afficher en devanture.
    On verrait bien.
    Quels étaient les critères ? je l’ignorais.
    Avec cette sale habitude d’aimer rêver je le comptais parmi les élus d’une maison d’édition.
    Vanité d’auteur ? Sans doute.
    Il n’en restait pas moins que l’anxiété m’avait habitée.
    En avoir peur quelquefois, et ressentir le regret de ne pouvoir s'y remettre, le mal de l'écriture.
    « A mon Amour… Anathème… »

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